Qu'avons-nous retenu de 2008 en Estonie?

L’année 2008 s’est achevée pour moi en France mais mon retour vers les contrées estoniennes est en cours. Je suis maintenant dans le train en direction de Paris et prend quelques minutes pour me remémorer que l’année 2008 aura été riche en évènements, personnels et professionnels bien évidemment mais l’actualité a également été pressante, enthousiaste, pessimiste (trop ?), objective ou totalement subjective, bête, intéressante… bref une année pleine.

Il est difficile d’opérer une sélection mais voici une petite sélection personnelle, mon best of 2008 de l’actualité estonienne:
- La crise globale a bien sûr affecté l’Estonie, et ce de diverses manières. Il aura cependant fallu un moment au gouvernement pour reconnaître que le mal était plus profond qu’il ne le laissait entendre. On prévoit maintenant une récession à hauteur de -4% après plusieurs années de croissance à deux chiffres.
o La Bourse de Tallinn, le Tallinn Stock Exchange a suivi les cours des autres indices et a subi des pertes considérables. Les actions, les fonds d’investissements et les fonds de pension ont profondément inquiété la population.
o Le petit pays a également perçu les effets de la hausse des cours du pétrole avec un pic à près de 1,1€ et un plus bas aujourd’hui à environ 70 cents.
o La crise immobilière a été un des secteurs les plus touchés après qu’une bulle spéculative ait été entretenue pendant des années. L’explosion qui en a résulté a été pour le moins impressionnante et a entretenu les propos journalistiques durant toute l’année. Ces derniers voulant nous faire croire que le moment était venu d’acheter…d’après des interviews de « spécialistes » du secteur (des PDG d’entreprises de l’immobilier, donc très objectifs - ironie). Les prix à la location et à l’achat ont baissé mais finalement assez peu comparé à l’ampleur de la crise. On attend des baisses encore l’an prochain.
o Et finalement, les mots et les chiffres qui font peur ont été inéluctablement lâchés vers le dernier trimestre de l’année : chômage en hausse.
- Un autre évènement important aura plus ou moins directement touché l’Estonie. Il s’agit du conflit russo-géorgien. A la suite de l’attaque russe, les Estoniens redoutaient que la même chose ne se passe dans leur pays. L’argumentation est la suivante : la frontière est de l’Estonie est en très grand majorité russophone et les russes auraient peu entrer en Estonie afin de défendre leurs citoyens. Postimees avait même publié un hypothétique « plan d’attaque russe », éveillant la critique de certains (GIO) et entretenant la peur.
o Notons par ailleurs que la nationalité russe connaît un essor important en Estonie tandis que la nationalité estonienne est de moins en moins populaire. Le gouvernement a mis en place une campagne pour encourager l’adoption de la nationalité estonienne. Les contraintes pour cela sont encore rudes puisqu’il faut avant tout maîtriser la langue locale, une langue finno-ougrienne avec ses 14 cas !
o La date anniversaire des émeutes d’avril 2007 (l’épisode du soldat de bronze) se sera plutôt bien passée.
- Revenons à l’économie et du côté des banques. Les deux banques majeures (suédoises) auront changé leur nom de façon plus ou moins stratégique en 2008. Tout d’abord, SEB Ühispank est tout simplement devenue SEB alors que Hansapank (la banque leader 100% possédée par Swedbank) a été renommée Swedbank. Un revirement brutal et finalement peu compréhensible malgré la nécessité d’unification des activités de la banque. Hansapank était en effet un nom extrêmement populaire et apprécié des Estoniens.
- Estonian Air en difficultés a dû repenses sa stratégie et se reporter vers du plus local, plus petit. Cela passera par l’acquisition d’appareil plus petits dés que du cash flow apparaîtra. En fin d’année, la compagnie nationale (possédée à 49% par SAS) a licencié plus de 13% de ses employés.
- Quelques scandales de toutes sortes ont bien sûr émaillé cette année : l’agence de voyage Estravel profite d’une erreur pour vendre des tickets pas chers, une affaire d’espionnage (Herman Simm), le portrait d’un businessman estonien peu rigoureux, et dernièrement une affaire de corruption.
- La loi sur l’interdiction de la vente d’alcool à Tallinn après 20h a été repensée au niveau national et il est désormais illégal de vendre tout alcool après 22h, mais cette fois dans tout le pays.
- Des évènements plus joyeux ont tout de même égayé par moments cette année 2008. Le plus fort aura été incontestablement la victoire aux Jeux Olympiques de Pékin de Gerd Kanter au lancer de disque qui déclencha une vague populaire. Les Estoniens se sont pressés le soir même pour fêter la médaille d’or bien sûr mais aussi leur fierté nationale durant le Öölaulupidu pour chanter tous en cœur.
o Un évènement parfait afin de fêter le 90^e anniversaire de la première indépendance du pays en 1918. Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire de l’Estonie et sa libération, le film « The Singing Revolution » est sorti en DVD cette année.
- Un autre projet a uni les Estoniens mais cette fois pour une bonne cause: Teeme Ära. Nettoyer le pays des ordures en tout genre amoncelées dans les bois ou au bord des routes était le maître mot de cette campagne bénévole. 10 000 tonnes de déchets, précédemment identifiés grâce à un logiciel spécialement développé pour l’occasion, ont été récupérées par plus de 50 000 volontaires !
- Le chant est décidemment associé à l’Estonie. Un des plus célèbres est le Viljandi Folk Festival qui cette année, pour une fois, a eu lieu sous la chaleur du soleil d’été, la bonne humeur et des litres de bières !
- Les travaux controversés sur Vabaduse Valjak pour la construction d’un parking souterrain et d’un monument dédié à l’indépendance ont amené leur lot de surprises. De nombreuses découvertes ont eu lieu en divers endroits : murs d’enceinte et porte d’entrée de la vieille ville en ruines (visiblement recouverts à la va-vite par les soviétiques), site du paléolithique, ancien cimetière de peste moyenâgeux. On peut regretter la rapidité des fouilles menés par des archéologues (probablement mis sous pression par les promoteurs), le peu d’attention apporté aux alentours et l’ensevelissement final de nombreuses découvertes (cimetière, porte d’entrée de la vieille ville…).

Malgré une année difficile, riche en évènements et en discours pessimistes et sombres, malgré un futur peu reluisant et un climat pour le moins austère, les Estoniens ont montré qu’ils pouvaient à certains moments se rappeler d’où ils venaient et qu’ils formaient un seul et même peuple, une nation avec un drapeau, des traditions (le chant, laulupidu…), un beau pays qu’il faut protéger contre notre façon de vivre et de consommer (Teeme Ära). Plus les temps sont durs, plus les gens se rapprochent, les tempêtes de neige servent parfois à cela, les uns aident les autres à se dégager avec des pelles, un fait anodin peut être mais révélateur ? 2009 apportera une réponse plus claire…

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